
Biographie
par Jean Pôl Tronic
Guillaume Farley est un romantique. Il aurait pu s’appeler : « Alphonse de Lamartine », ou bien : « Bob Dylan », voire même : « Karen Chéryl ». Mais il se nomme : Guillaume Farley. Et peu de gens peuvent en dire autant. Merci de le noter.
Les anglophones disent : « entertainer ». Le jeune Guillaume, dès sa plus tendre enfance, affiche des propensions certaines à divertir son prochain. Sa famille, dans un premier temps. Ses amis, dans un second. Les filles, dans un troisième…
Les historiens s’accordent à dire que c’est sous le coup d’une déception amoureuse qu’il se confina dans sa chambre d’ado avec une nouvelle compagne : la basse électrique. Rencontre importante. Rencontre décisive. Fatale. De celles qui changent une vie.
Il va à peine sur ses quinze printemps quand son grand frère Benjamin, lui propose d’intégrer le groupe "Avril", composé d’une bande de joyeux drilles, aussi enthousiastes que pré pubères, et dont le projet est simplement de devenir le plus grand groupe du monde… Peut on blâmer d’aussi jeunes gens de manquer de lucidité, de maturité, ou d’ambition ? Je ne crois pas, non.
Quatre ans, c’est le temps qu’il faudra au toujours très jeune, Guillaume Farley (ce « Y » change tout, vous ne trouvez pas ? (moi, si)), pour user ses semelles, ses cordes, ses heures de sommeil et toute la corne du bout de ses doigts sur diverses scènes, en divers répertoires avec de multiples artistes, en de multiples lieux, avant d’acquérir le : « bagage », les : « compétences nécessaires » et les :« heures de vols requises », pour devenir -ce que l’on appelle dans le jargon : un solide professionnel. De la basse, des rapports humains, de la musique. Le voilà musicien professionnel.
Plutôt que de devenir président des Etats-Unis, Guillaume Farley emprunte la guitare de son frère, et s'emploie à apprendre et interpréter, nombre de chansons. Françaises, pour la plupart. Puis il décide d'en écrire, des chansons. Et avec des paroles dedans. Et de les chanter lui-même. Carrément.
Les résultats ne se feront guère attendre, au vu des qualités sus mentionnées (il manquait un zéro, sur le virement, mon conseil vous a envoyé un mail) du joyeux trublion, dont il est ici, question. Le voilà auteur, compositeur, interprète. Non mais, franchement ?
Sur ces entrefaites, il monte un duo avec sa cousine Hélène Mittet, avec laquelle il avait déjà oeuvré dans les groupes « Ich Bin Wallou » et « Pareil Mais Plus ». La complicité est là. Nos deux comparses s’échinent ainsi à interpréter un répertoire écrit par Guillaume, aux notes de miel épicé, mais avec de véritables morceaux de miel dedans. Doux au palais mais cependant non dénué d’une certaine amertume en fin de bouche. Comme un sentiment durable de tristesse mêlée de rancœur. De déceptions et d’injustices du sort. Une tentative d’amour teintée de rage contrite. Un romantique, donc.
En sept ans, Naturalibus fut un ovni dans le paysage musical français, écumant les scènes de l’hexagone et se produisant notamment en première partie de Vanessa Paradis, Julie Ferrier ou Thomas Dutronc.
Suivant une progression artistique aussi linéaire que cohérente, Guillaume Farley a trente sept ans en 2011, quand sort (enfin) son premier album solo : “En Guise De Bonjour”. Paul Mc Cartney, Bob Dylan et Leonard Cohen auront beau lui conseiller de changer de titre… le Farley ne voulut rien entendre. N’en faisant qu’à sa tête, et brisant un laptop flambant neuf d’un coup de pied rageur, à la lecture du mail de Macca, il aura ses mots : « Non mais qu’est ce qu’il y connait Mac Cartney, en matière d’écriture de chansons, sans déconner ! Ha ! Ha ! Ha ! Qu’il commence par s’acheter une vraie basse ! Et ensuite, on pourra discuter !» La drogue, bien sûr. Et le voilà toxicomane… Bienvenue dans le showbiz.
Bref, romantique mais têtu. C’est son premier album solo, il sera tel qu’il l’entend : un florilège de chansons écrites sur le chemin de la décennie précédente. Avec ici, une anecdote particulièrement croustillante quant à la genèse et la réalisation de ce funeste projet, mais qui sera malheureusement coupée au montage. Ici, devait également se trouver des indications précieuses sur le pourquoi du comment, l’état d’esprit de l’artiste à l’époque et les raisons pour lesquelles, il fit ce qu’il fit…
En tant que bassiste, guitariste ou compositeur, il collabore avec Steve Shehan, Paco Sery, Richard Gotainer, L’Orchestre National de Lille et Youssou N’dour, Juan Rozoff, Ismael Lo, Amel Bent, Sapho, Vianney, Booster, Sandra Nkake, Grand Corps Malade, Michel Fugain et bien d’autres encore.
Un second opus viendra en 2016, en collaboration avec Roch Havet (Têtes Raides, Michel Arbatz, etc…) “J’attends Un Événement”. Le premier qui dit : « l’album de la maturité », prend mon poing sur le nez. Il n’empêche qu’on y retrouve, et de façons plus brillantes que jamais : malice, humour, fantaisie et rigueur, l’hyper sensibilité et l’indéniable savoir faire d’un artiste qui réussit le tour de force de traduire par une forme achevée, autant de scintillantes facettes reflétant sa personnalité complexe. À tel point que, Michel Platini, lui-même, aura ce commentaire : « Farley…? Non. Connaîs pas… Il joue à quel poste…? » C’est dire.
Il le défendra seul en scène. Il faut le faire. Usant tour à tour et aussi simultanément : basse, guitare, voix, pédales d'effets, looper, beat box, etc… On se souviendra de ce spectacle intime mais jovial, autant qu’hautement (ici, un adjectif qui renforce le propos), ainsi que véritablement (ici, un autre).
En première partie de Veronique Sanson, Vincent Peirani, Electro Deluxe, Magma et bien d’autres. Il déroulera nonchalamment la synthèse de toutes ces années, passées à jouer, faire, apprendre, défaire, tenter, re-tenter, chercher, se perdre. Il reprendra Michel Berger et Alain Bashung, sur un medley : « Vertige Du Bassiste », avec une singularité, un à-propos et une finesse frisant l’indécence… Se produisant, entre 2014 et 2019, sur plus de deux cent concerts dans toute la France. Des fois qu’il se trouve. Et il se trouva. Là, tout seul. Tout nu. Le voilà seul en scène. Le voilà dans la cour des grands.
Octobre 2019, Jacques Chirac nous quitte, et Guillaume Farley fait le buzz... France Info, radio classique, canal plus, cnews et cie relaient en choeur un (excellent) titre, co-écrit avec Roch Havet : "What Do You Want ?". Nos joyeux drilles y scandent inlassablement les paroles prononcées par feu le Président Chirac en 1995, en Israël, quand, très remonté, suite à un différent protocolaire, il menaça de : "Get back in my plane, go back to France". Ajoutant que : "This not a method ! This is just provocation !" Le tout emballé en mode rap, sur un son funky à souhait. "Bonjour!" Il n'y avait pas de message politique mais Guillaume jugea toutefois utile de préciser qu'il n'était pas chiraquien pour autant.
Il est des biographes (que je ne citerai pas mais JEAN LOUIS BERNARDELLI est l’un d’eux ) qui, par paresse, ou par le jeu d’une rémunération insuffisante , voire presque inexistante, nous tartineraient de la : « porte ouverte vers son univers », de la : « fenêtre sur son monde », et autres confitures pré-digérées, genre : le toujours fameux : « album de la maturité ». Mais pas de ça chez, nous madame ! Comme dit plus haut, nous ne nous abaisserons guère vers tant de tristes fadaises.
Il sera donc question ici de : décontraction des membres inférieurs, de relaxitude dans la groovance, de larmes dans le whisky, de maîtrise de son sujet, d’épuration des formes, de rigueur dans la désinvolture, de joyau méconnu.
Le voilà avec un troisième album intitulé : “Blindé”, réalisé par Edouard Coquard (Nilda Fernandez, Gérald Depalmas et tant d’autres…), qui sortira en fevrier 2022. Enfin un bon titre d’album ! « Trop puisseuuâânt ! » s’exclamera Aimé Jacquet, enthousiaste, le jour où quelqu’un (bon, moi…) lui en fit part…
« BLINDÉ ». Ah ben oui ! Blindé de talent, mon cochon ! Le bougre s’emploie à y enfoncer un certain de nombre de clous sur un certain nombre de planches. Et à bien les ajuster toutes ensembles. Soigneusement. Méthodiquement. Avec amour. L’amour de la musique, la vraie, et du travail soigné. Celui du respect de l’auditeur et de soi même. Comme un artiste qui sait ce qu’il veut construire. Qui sait comment. Et qui le fait.
Il faut le dire, Guillaume Farley regorge d’énergie, de poils sous les bras et de pêches sur le premier temps. Mais c’est aussi un être tendre, vulnérable et mélancolique. Ses chansons tanguent entre plusieurs degrés de lecture, entre gravité et légèreté, paillettes et charentaises. Entre smoking et maillot de bain poutre apparente. Et entre plein d’autres trucs opposés mais complémentaires, que vous imaginerez vous-même (car le temps presse et j’attends toujours mon second virement)… D’aucuns seraient tentés d’ajouter : « entre rires et larmes » avant de prendre un carton rouge et de rentrer direct aux vestiaires pour une suspension immédiate de dix matchs.
Céleste ménestrel. Guerrier du groove. Troubadour poétique. Saltimbanque électrique. Bouffon polyrythmique. Ses chansons font du bien. Ses chansons lui ressemblent. Et comme disait Jean Paul Sartre : « Guillaume Farley, c’est bon. Mangez-en ».
Jean Pôl Tronic

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